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Bibliothèque de Bordeaux : François Corneloup, quand la musique emporte tout

Rencontre avec François Corneloup à l’occasion de son concert en duo avec Franck Tortiller le samedi 20 octobre 2018 à la bibliothèque de Bordeaux Mériadeck (Auditorium à 16h00)

Quels sont tes liens avec la métropole bordelaise ?

J’y vis depuis maintenant presque 20 ans. Je viens de région parisienne. J’habitais à Montreuil, venant jouer au festival de Bernard Lubat  à Uzeste. Depuis 1984, j’ai rencontré ma seconde épouse que j’ai rejointe ici en 1999.

Bordeaux a pour moi d’abord été la ville du repos où je retrouvais  les miens, entre mes voyages de musicien. Pendant longtemps, je me suis assez peu investi artistiquement parlant dans mon environnement proche. Les choses ont changé lorsque j’ai créé Le Peuple Étincelle, composé de musiciens de la région. Cette formation me tient particulièrement à cœur car je l’ai voulue comme elle constitue un ancrage. Se voir régulièrement et facilement, dans une vraie dynamique de groupe  là où on vit, prendre le temps : jouer mais pas que… se projeter dans du circuit court, dans du quotidien. C’est une dimension qui peut parfois me manquer sur d’autres projets. Je garde aussi de précieux souvenirs de mon passage à plusieurs reprises dans le Bordeaux Jazz Festival qu’avait monté Philippe Méziat. Il faudrait songer à recréer dans cette ville un rendez-vous des musiques de création. J’y pense, parfois…

Quels sont les principaux projets dans lesquels tu es engagé?

Mon travail se construit selon plusieurs polarités.

Avec « le Peuple Etincelle », nous sommes un groupe de bal. Nous jouons de la musique à danser, sans volonté de faire la démonstration d’une recherche formelle à proprement parler. En tous cas celle que nous élaborons est consacrée à procurer de la joie et créer du lien.

Le dernier né de mes projets collectifs, c’est le quintet Révolut!on. On est dans une fusion de styles, une croisée de chemins entre Michel Portal, Radiohead et le Miles des années 70. Sur des fondations rythmiques très solides, on utilise l’énergie de la pop pour ouvrir notre jeu vers des espaces musicaux nouveaux.

Il y a aussi mon travail avec Dominique Pifarély au sein du groupe Anabasis, composé de 7 musiciens acoustiques. Là, nous jouons dans un sillon musical très précis, tracé selon les choix esthétiques de Dominique et qu’on pourrait  très schématiquement décrire comme une fusion des couleurs harmoniques atonales de l’école de Vienne et le rock prog des années 70.

On peut évoquer également Ursus Minor. Ce groupe a été fondé par Tony Hymas, pianiste anglais collaborateur de Jeff Beck, avec qui il notamment a travaillé sur l’album Guitar Shop, et par Jean Rochard, producteur et fondateur de la maison de disques Nato, le premier à faire venir John Zorn en France. C’est un groupe important pour moi, avec une pratique musicale différente de ce que je connais dans le jazz français, notamment dans un rapport très fort à la fonction des sections rythmiques telles qu’elles s’expriment dans la culture anglo-saxonne et afro américaine. J’ai aussi pu y découvrir ce qu’était le rôle d’un producteur au sens où Jean Rochard conçoit chaque album qu’il entreprend comme un projet avec un sujet, une direction artistique. C’est un travail plus anticipé qu’une simple captation d’orchestre. Ursus Minor est voulu comme une forme orchestrale ouverte qui intègre la musique populaire afro-américaine, le funk, le hip-hop dont certains rappeurs qui sont de vrais auteurs et d’authentiques musiciens.

Ton duo avec Franck Tortiller, « Singing Fellows »?

Avec Franck on s’est rencontré au début des années 90, dans le collectif Incidences, pendant mes années montreuilloises. Nos trajets se ensuite séparés, mais on a toujours gardé un lien, même ténu : on s’appelait invariablement à chaque mi-temps des matchs de rugby France Angleterre! Puis on a décidé d’essayer quelque chose à nouveau un peu informellement. Ça a tout de suite fonctionné. C’est assez rare de se trouver aussi naturellement avec un autre musicien. Nous avons un goût commun pour les mélodies et une accointance forte sur la dimension rythmique de la musique. Cette recherche de l’harmonie explique le nom de notre groupe, qu’on peut traduire par Camarades chantants. Franck, qui a été directeur de l’orchestre National du Jazz pendant 4 ans, a des influences esthétiques différentes des miennes. Mais il faut se méfier des partis pris esthétiques! Ils peuvent parfois vous faire  passer à côté de belles rencontres. Ce qui importe, dans la musique, d’où qu’elle vienne, c’est quand elle emporte tout… et surtout les préjugés.

La discographie de François Corneloup (disponible dans les bibliothèques de Bordeaux) est en écoute (en cliquant) ICI

Pour en savoir plus sur François Corneloup, retrouvez la fiche de présentation sur la Gironde Music Box (en cliquant) ICI

Ce concert sera précédé de la conférence du sociologue Christian Sallenave, « 1867-2018 : Ville et Jazz dans Bordeaux Métropole ». En savoir plus Ici