Découvrez la scène musicale girondine vue par les bibliothécaires musicaux !

La Gazette du Festival 33 TOUR – épisode #4 : rencontre avec Camille Dalby (musicienne et graphiste) et Maxime Rivière (de la Bibliothèque de Bègles)

Rencontre avec Camille Dalby (musicienne membre du groupe SUIF et graphiste) et Maxime Rivière (de la Bibliothèque de Bègles) afin d’en savoir un peu plus les protagonistes de l’événement autour de la pop et du féminisme qui se déroule le vendredi 3 juin à 18h à la bibliothèque de Bègles dans le cadre du festival 33 Tour : projection du film documentaire « Pop et féminisme, des militantes aux icones pop » d’Elise Baudoin (2020) (53 minutes) suivi d’une discussion et d’un « Blind test » autour des figures féminines Rock ou pop.

Camille, vous êtes graphiste et musicienne membre du groupe SUIF. Le monde du rock est considéré comme un monde très masculin qui véhicule nombres d’images liées à la masculinité. Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans le milieu de la Pop music et plus généralement dans le monde de la musique ?

Si on pense aux artistes qui ont marqué les foules au cours des dernières décennies, on constate que les femmes ont bel et bien leur place sur la scène pop car des visages nous viennent spontanément en tête (Cher, Madonna, Céline Dion, Britney Spears et j’en passe). Pourtant si on se penche sur des études récentes basées sur les charts ou les tops des écoutes en streaming, on y trouve moins de 20% de femmes.
Si je te dis également que ces femmes, que ce soit en début de carrière ou une fois « au sommet », subissent des critiques constantes en ligne et dans la vraie vie –sur leur physique, leur talent, leur mode de vie etc.– de la part d’acteurs et actrices de l’industrie, de haters, de personnes qui ne s’intéressent même pas à leur musique mais qui « ont vu que » sur twitter ou en couverture d’un magazine, et même, de la part de leurs fans qui, si elles dévient ne serait-ce qu’un peu de leur image de marque, sont élevées au rang de traitresses, tu as un tableau qui peut sembler extrême mais qui est pourtant réaliste. Tout cela alors même que ces femmes travaillent justement sans relâche à maintenir la qualité de leur travail et de leur image à un niveau de perfection inhumain pour réussir à s’imposer puis à rester visible dans une industrie très largement dominée par les hommes. Trop ceci, pas assez cela, les pop stars n’ont tout simplement pas le droit à l’erreur car elles doivent incarner une forme de perfection, d’idéal, d’exemple : la grande sœur, la copine cool, la petite copine parfaite etc.
Les femmes de pouvoir ont toujours fait peur, or dans la pop, il y en a. De manière générale, lorsque le rapport dominant/dominé commence à s’équilibrer ou à s’inverser, cela représente consciemment ou non une menace, tous les moyens sont donc bons pour étouffer cette menace : invisibilisation, humiliations, violences etc.
Il faut ajouter à ça le volume du public de ces pop stars qui démultiplie ces comportements nauséabonds et l’effet destructeur qu’ils ont sur ces femmes.
Pour conclure, je dirais que même si depuis quelques années la tendance est à la valorisation des artistes féminines, dans les faits, ça reste encore compliqué. Ce sont des décennies d’idées et de comportements basés sur une société et une industrie dominée par des hommes qu’il faut déconstruire, ce n’est donc pas une mince affaire.

Vous consacrez une part importante de votre travail autour de la féminité dans la musique à travers toute une série de portraits sur des égéries du rock (Kate Bush, Wanda Jackson…). Pensez-vous qu’il existe un regard, une sensibilité féminine qui fait que vos dessins se démarquent de celui des hommes ?

Stylistiquement ou techniquement parlant, je ne pense pas. C’est plutôt sur le fond –les sujets et leur représentation– que la distinction est, je pense, plus susceptible de s’opérer. Il y a par exemple souvent une forme de mélancolie dans les yeux que je dessine. J’ai vraiment du mal à coller des expressions d’exaltation ou de joie à ces femmes et je ne pense pas que ce soit anodin. Je pense que c’est notamment lié à la manière dont les femmes sont très souvent représentées dans les pubs notamment, toujours à devoir s’éclater, et aux inconnus que tu croises dans la rue et qui te disent que tu serais « tellement plus jolie si tu souriais ». J’affectionne aussi depuis longtemps les héroïnes qui ne respirent pas forcément la joie de vivre –plus jeune je leur accordais, sans doute à tort, plus de profondeur– et j’ai une certaine fascination aussi pour les représentations de madones ou de vierges, cela m’a influencé, sans aucun doute.
Au delà de ça, j’ai toujours eu un besoin fort de dessiner des femmes ; sans doute un moyen de les célébrer d’une manière ou d’une autre. Pour beaucoup, il s’agit de femmes que j’admire pour différentes raisons, et dont la vie ou l’art m’ont sensibilisés à certains sujets et m’ont permis de faire entendre ma parole, voire de mettre mon corps en avant plus facilement dans certaines situations où une femme se ferait généralement plus aisément écrasée.

Maxime, quelle importance accordes-tu à la programmation musicale en bibliothèque ? 

La musique a une place particulièrement importante dans ma vie et dans mon travail. Ayant été moi-même musicien, je considère aussi que la musique a toute sa place dans ces lieux d’échange, de partage et de culture que sont les bibliothèques : faire découvrir émerger des artistes, créer des ponts entre d’autres disciplines : l’histoire, le sport, la sociologie. Eveiller la curiosité des lecteurs, des usagers créer des rencontres. C’est important pour la vie d’une bibliothèque.

Tu as choisi le thème du féminisme à travers le monde de la Pop. La musique peut-elle encore être un espace de revendication ? Peux-tu nous en donner quelques exemples ?

La musique et plus particulièrement les musiques « populaires » sont historiquement un mode d’expression qui s’empare de courants , des sujets de société, reflètent forcément les idées d’une époque… Depuis Dylan en passant par les Clash… Je trouve qu’aujourd’hui les artistes qui ont le plus de choses à dire et qui les disent avec le plus de créativité sont souvent des artistes féminines… MIA, princesse Nokia et ces derniers mois Wet Leg…

En quoi consistera cette programmation, notamment le moment de convivialité après le projection du film ? 

En marge de la projection du documentaire d’Ariel Wizman, l’école de musique actuelle béglaise Larsène présentera ses actions autour de la thématique de l’égalité homme femme dans la musique ainsi qu’une exposition nous replongeant dans l’histoire de la musique et les grandes figures féminines qui l’ont marquée. Camille Dalby elle, animera un blind test pour illustrer l’apport des femmes dans le paysage pop des 60 dernières années. On espère que la discussion prendra bien avec le public…

Camille , Maxime, pourriez vous nous faire partager vos 10 coups de cœur de musiciennes préférées ? 

Maxime : « Les artistes féminines ont largement participé à ma culture musicale. A l’aube des années 90 de nombreuses musiciennes, chanteuses ont marqué ma découverte de la musique pop ou rock… Encore aujourd’hui elles restent des références indépassables. »

La playlist de Camille et Maxime autour des figures féminines de la pop music :

Chelsea Wolfe – Sorcière moderne engagée, elle a exploré différents territoires musicaux : folk, électro, doom etc. Sa voix est techniquement impressionnante et très touchante. L’effet n’en est que plus saisissant quand elle la mêle à des riffs massifs de guitare

Kate Bush – Talent précieux et interprète hors du commun, elle a défendu sa vision artistique singulière, jusqu’à amener ses morceaux à la radio et dans les top-charts

Aldous Harding – J’ai beaucoup écouté son album Designer. Au fil du temps, elle a enrichi ses morceaux plutôt folk et épurés pour créer de doux tubes pop.

Pj Harvey – Elle a su se réinventer sur chacun de ses albums et elle restera toujours une influence majeure pour moi.

Mimi Parker de Low – Low ne serait rien sans la pureté de ses harmonies vocales qui ont une fâcheuse tendance à me faire systématiquement chialer en live.

Maxime :

The Breeders – Shocker In Gloomtown
A titre personnel, les Breeders des sœurs Deal ont eu une grande influence sur moi par l’énergie, la sensibilité, l’esthétique dans le prolongement des Pixies que je n’ai découvert que peu avant leur séparation…

Sonic Youth – My Friend Goo
Kim Gordon… L’autre Kim qui a bercée mon adolescence. Le bruit, l’énergie, le rock comme exutoire… Salvateur quand on a 13 ou 14 ans… OU même plus de 40…  Une figure fondamentale de l’indie Rock et de beaucoup de choses qui se font encore aujourd’hui. Une grande source d’inspiration.

Lisa Germano – If I Think Of Love
A cette même période presque des Années 90, Lisa Germano a fait le lien entre le bruit de l’indie rock et ce qui se profilait après la déferlante grunge… le Calme et une certaine noirceur romantique… Sa voix est d’une douceur et me semble aujourd’hui tellement familière…

Suzanne Vega – World Before Columbus
Toujours américaine… Suzanne Véga caractérise pour moi ce sens de l’écriture dans la pop music… élégante délicate. Des chansons imaginées comme des poèmes ou des nouvelles littéraires…

Broadcast – Corporeal
Trish Keenan est une figure sous-estimée de la pop musique… Disparue trop tôt elle réussissait avec son groupe Broadcast à mixer des décennies de références pop avec des expérimentations radicales pour un résultat d’une modernité incroyable….

Facebook de Suif

Facebook de Gracekilling