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« 1961-1964, la déferlante du Rock instrumental en France», une playlist pour (re)découvrir les collections musicales des médiathèques #3

Nous vous proposons de redécouvrir la richesse des collections musicales des médiathèques en explorant les genres et sous-genres musicaux qui les constituent. Commençons par une histoire du rock et de la pop française. 3ème épisode : le rock instrumental.

Le monde de la musique est marqué en ce début des années 1960 par une vague instrumentale qui submerge tous les pays occidentaux. Dès l’année 1960, c’est toute l’Europe qui vibre au son de la guitare d’Hank Marvin et des Shadows avec le titre « Apache ». L’autre groupe anglais qui met le feu aux poudres ce sont les Tornadoes produits par Joe Meek et leur « Telstar ». A eux deux, ces groupes britanniques changent la donne musicale en Europe : c’est le triomphe de l’électricité !

Puis vinrent les suédois The Spotnicks habillés en cosmonautes de la tête aux pieds ! De l’autre côté de l’atlantique, ce sont The Ventures qui triomphent aux USA avec le titre « Walk, don’t run » (1960) annonçant la vague de surf music à venir.

Ce courant instrumental prend racine aux Etats-Unis.

Le rock instrumental est populaire surtout dans les débuts de l’histoire du rock. Dès 1945 l’artiste américain Arthur Smith dicte les canons du genre avec « Guitar Boogie », resté légendaire. Chet Atkins exploite toutes possibilités de la guitare country et crée le Nashville Sound dans les années 1950. Les musiciens afro-américains  Big Jay MacNeely, Red Prysock et Lee Allen façonneront à leur manière un style instrumental propre au rhythm & blues.

Mais c’est véritablement avec Link Wray que le rock instrumental rencontre ses premiers succès dès la fin des années 1950. Se démarquant des autres musiciens de l’époque par son style violent et amplifié, rendu rugueux par une distorsion du son inédite et par l’usage de l’effet Larsen, il est le premier à le domestiquer. Wray introduit par ailleurs l’utilisation des power chords, notamment grâce à l’instrumental « Rumble » (1958)Autre figure marquante qui popularisa le style aux Etats-Unis : Duane Eddy Avec son plus célèbre morceaux « Peter Gunn » il popularise un style de jeu de guitare dans lequel les riffs sont exécutés sur les cordes graves de la guitare, avec une forte réverbération. C’est le style Twang propre à la musique country qui trouve ici une autre couleur musicale !  Dick Dale ajoute à cette musique instrumentale des éléments de musique mexicaine et Sandy Nelson apporte un aspect percussif au genre.

Une affaire de groupes donc.

En France, des centaines de groupes amateurs ou professionnels se lancent alors dans la bataille du son électrique ! Il faut dire que les instruments de musique jusqu’alors très onéreux se démocratisent, l’amplification ayant par ailleurs fait des progrès notoires. N’importe quel débutant peut dorénavant acquérir une guitare de marque Eko ou Ohio à défaut de pouvoir s’offrir les intouchables guitares Fender ou Gibson :

Une vague sans équivalent déferle sur le France comme on en verra peu après (hormis avec le mouvement punk dans les années 1970 et le mouvement alternatif dans les années 1980).

Des noms ?

Les Champions, Les Pirates, Les Schtroumpfs, Les Daltons, Les Fingers, Les Bourgeois De Calais, Les Aiglons, Les Pénitents, Les Pingouins, Les Fingers, Les Gardians, Les Guitares du Diable, Les Milords, Les Panthères, Les Fantômes, Les Vautours, Les Sunlights, Les Dangers, Les Cyclones, Les Avern’s, Les Blackbirds, Les Drivers… et même les groupes orphelins de leur chanteur s’y mettent aussi : les Chaussettes Noires, Les Chats Sauvages.

Un label ?

si tous les labels succombent à la vague instrumentale (Decca, Vogue, Philips…), on notera qu’une myriade de micro labels naissent pour publier un ou deux 45t dans le genre (Bel air, Festival, Pacific…). Le plus notable est le label DMF basé à Cleon en Seine-Maritime qui publia près de 300 disques pendant sa courte existence. Le début de l’alternatif en quelque sorte ! Malheureusement, en France, les ingénieurs du son souvent formés à la chanson ou au jazz ont longtemps méprisé le rock hexagonal au point de ne pas savoir l’enregistrer ni le mixer. Les guitares sonnent faiblement. Ce n’est pas pas hasard si Johnny Hallyday, Eddy Mitchell ou Serge Gainsbourg partent à Londres dès 1963.

Un lieu ?

On retiendra le Golf-Drouot à Paris, établissement tenu par Henri Leproux qui lance dès le début de l’année 1962 un tremplin / concours tous les vendredis soirs ouvert aux groupes débutants.

L’épilogue

Quand les Beatles publient en 1963 leur premier album, celui-ci s’ouvre sur « I Saw Her Standing There » qui réhabilite avec éclat le rock vocal tout en faisant la part belle à l’énergie instrumentale, avec en particulier un solo de guitare qui évoque un peu le style des Shadows. C’est un symbole. La divergence est en train de se résorber, le rock uniquement instrumental perd désormais de sa justification. Cette formule d’un rock vocal régénéré mais nourri aussi d’une verdeur instrumentale assure la primauté des groupes britanniques aux États-Unis dans la période 1964-1966, ce que les Américains appellent la « British Invasion ».

Une vague nouvelle va finir par s’imposer auprès de la jeunesse inspiré du Beat anglais, de la soul blanche américaine (Brill Building) et de toutes les danses à la mode (Twist, Madison, Hully Gully, Mashed Potatoes…) : le Yéyé.

A suivre…

La playlist du rock instrumental en France :

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Côté discographie :

le label français Magic Records a très bien documenté cette scène française. Voici une sélection de plusieurs anthologies.

French 60’s EP Collection – Instrumental Sixties – Volumes 1 à 4 (CD) (Magic Records) (1995 à 1997)

Fantastic & Rarities 50’s & 60’s Instrumental Guitars Volumes 1 à 5 (CD) (Magic Records) (2011 / 2012)

Instrumental Guitars Volumes 1 à 5 (CD) (Magic Records) (2007-2007)

The Best Of Instrumental 60’s Guitar – Volumes 1 à 3 (CD) (Magic Records) (2008 à 2011)

Instrumental Sixties EP Collection (9CD) (Magic Records) (circa 2010)

Les origines du genre : Parmi les nombreuses anthologies sur les origines du rock instrumental, nous vous conseillons :